REPORTAGES

 

Voyage en Afrique du Sud en 2002 (Jean TROIN)

 

Voyage naturaliste en Australie en 2005 (Laurenç MARSOL)

 

Voyage naturaliste en Turquie en 2005 (Benoît MORAZE)

 

Voyage vulcanologique en Sicile en 2006 (Joël GAUTHIER)

 

Reptiles et Amphibiens du Nord Ouest de Madagascar du 21/12/2014 au 04/01/2015 (Rémy EUDELINE)

 

 

Reptiles et Amphibiens, observés lors d’un voyage naturaliste au Maroc

(Du 16 février au 02 mars 2003).

 

 

Texte et photos © Joël GAUTHIER

 

 

 

Vipère à cornes (Cerastes cerastes).

 

J’ai fait cet agréable parcours naturaliste, en compagnie de sept jeunes professeurs de biologie, enseignants dans les collèges et lycées de France.

 

Introduction au pays

 

Le Maroc a une superficie de : 458 730 Km2, 710 000 Km2 avec le Sahara Occidental (une fois et demi la France). Sa population est de 30 645 305 habitants (163 habitants/Km2). Les Langues parlées sont : l’arabe, le berbère, le français et l’espagnol.

 

De nombreuses villes marocaines sont très connues. Rabat, la capitale administrative, est située sur la côte Atlantique au Nord-Ouest du pays, à quelques 100 Km de Casablanca la plus grande ville du pays. Côtière également, Agadir est le centre touristique le plus important du Maroc alors que les villes les plus typiques sont Tanger au Nord, Fès au Nord-Est et Marrakech, ancienne capitale qui a donné son nom au pays, au centre.

 

 

Scorpion à queue jaune (Buthus occitanus sp).

 

La géographie du Maroc est très intéressante. Presque tous les paysages possibles sont représentés au fur et à mesure que l’on quitte la côte et qu’on se dirige vers le désert. Au milieu s’élèvent de nombreuses montagnes, notamment celles de l’Atlas. La région de Tanger, à l’extrême Nord du pays est semblable à la belle côte andalouse de la région de Tarifa en Espagne (d’ailleurs visible du Maroc). Vers l’Est, elle devient aride et en dehors de plans d’eau côtiers, le Nord-est du pays est désertique. Ces grandes plaines dites de l’Oriental sont en fait des steppes sèches et non pas de vrais déserts.

 

En suivant la côte vers le sud, vers Rabat et Casablanca, on découvre une région cultivée au relief monotone. Mais une fois passé Casablanca, toujours vers le sud, les falaises côtières et plages de sables prennent le relais sur des centaines de kilomètres.

 

L’Atlas occupe une majeure partie du pays. Le Haut Atlas, culminant à plus de 4000 mètres, notamment au Jbel Toubkal, est varié avec des forêts de chênes surplombées par une zone alpine, des rochers et enfin les neiges éternelles. Le Moyen Atlas, notamment dans la région d’Ifrane-Azrou près de Meknès est couvert de forêts de cèdres, de prairies alpines et de plans d’eau (Dayet).

 

Au sud, l’Atlas devient de plus en plus aride et donne lieu, dans l’Anti-Atlas, à une zone rocailleuse spectaculaire. Passé ces montagnes, le désert de cailloux (reg) domine le paysage qui est entrecoupé par des dunes de sables (erg).

 

Nombreuses sont les rivières (oued) qui sillonnent le Maroc, une des plus importantes étant l’oued Souss qui coule entre le Haut Atlas et l’Anti-Atlas dans le Sud-ouest du pays. Elle donne lieu à une vallée couverte d’arganiers, arbre local endémique rappelant les oliviers. L'embouchure du Souss forme d’excellentes vasières à Agadir. On l’aura compris, le Maroc est un pays d’une diversité surprenante.

 

Le Maroc subit au Nord une influence méditerranéenne très marquée. A l’Ouest une influence océanique importante qui se traduit par des écarts thermiques moins accentués. Dans son centre, un climat montagnard ou méditerranéen selon l’altitude est compris dans les étages bioclimatiques humide et subhumide, généré par les puissants massifs que sont le Haut et le Moyen Atlas. Quant au sud, un climat typiquement saharien qui, d’Est en Ouest se traduit par une influence de plus en plus océanique, qui représente tous les sous étages bioclimatiques Saharien.

 

 

De gauche à droite et du haut vers le bas :

 

Youri LE JANNOU, Marie CHRISTOFEUL, Pierre BONNEAU, Valérie MOUTON, Benoît LEENAERT, Joël GAUTHIER, François MORAZE et Benoît MORAZE.

 

Introduction au voyage

 

Lors de ce voyage naturaliste de petites zones ont été couvertes par nos observations. N’ayant que deux petites semaines devant nous, notre envie de tout découvrir l’a emporté, sur des prospections plus poussées, qui nous auraient cantonnés trop longtemps au même endroit, mais qui nous auraient permis de mieux y cerner leurs milieux de vie. Ces zones se devaient d’être variées, afin d’avoir un aperçu le plus large possible des différents biotopes du centre et du sud marocain. Ergs, regs, hamadas, oueds et oasis ont donc motivé chacun de nos arrêts afin d’y dénicher reptiles et amphibiens. La pointe extrême sud du Maroc n’a pas été prospectée faute de temps et aussi pour des raisons d’autorisation de la part des autorités marocaines. Les conditions météo ont été très agréables, avec des températures, peut être légèrement inférieures pour la saison aux dires des autochtones. Elles ont correspondu à des températures moyennes minimum de 15 °C et maximum de 27°C pour l’ensemble du séjour, sauf pour les deux premiers jours, passés en partie en altitude, dans les montagnes du haut Atlas marocain. Pour la majorité des Reptiles et des Amphibiens du centre et sud Marocain, ces températures correspondent à un début de fin d’hivernation, une première recherche de nourriture et pour certains, un début d’activité sexuelle et de reproduction.

 

Chaque zone a été prospectée par le groupe entier. Les périmètres de recherches ainsi que la durée et les heures des observations ont varié d’un site à l’autre, selon son intérêt floristique et faunistique. Recherches à vue, écoutes, fouilles et des tonnes de pierres soulevées résument simplement notre méthode de prospection employée.

 

 

En rouge le périmètre à l’intérieur duquel nous avons prospecté.

 

Le Maroc, est le pays d’Afrique du Nord, mais aussi de la région méditerranéenne occidentale, qui possède l’herpétofaune la plus riche et la plus variée. Ce sont en effet pas moins de 104 espèces (Totalisant 123 espèces et sous-espèces) d’Amphibiens et de Reptiles qui constituent la faune herpétologique de ce pays. Parmi elles, 23 sont endémiques au Maroc, soit 22% de son herpétofaune.

 

En écrivant cet article, je n’ai pas désiré faire un inventaire détaillé des différentes espèces de l’herpétofaune marocaine observées par les membres du groupe. Je ne les ai pas également localisées précisément. Il m’a semblé, que cela n’aurait rien rajouté à ce texte, sinon que de le rallonger. Pour chaque journée de prospection, il n’y a pas d’ordre quantitatif et exhaustif en nombres d’espèces de Reptiles et d’Amphibiens aperçu. J’ai voulu simplement donner, l’éventail de toutes les espèces de Reptiles et d’Amphibiens observées sur l’ensemble du séjour.

 

Résumé du séjour

 

Dimanche 16 février 2003

 

Arrivée à l’aéroport de Marrakech à 15h15, heure locale.

 

Après avoir réceptionné nos deux voitures de location, nous voilà en route pour notre première destination, Ouarzazate.

 

Marrakech est une grande ville en pleine expansion et son agglomération n’est qu’un vaste chantier. Des bâtiments modernes et souvent luxueux poussent dans son centre et dans sa périphérie. De larges avenues plantées de palmiers et de parterres fleuris lui donnent un charme certain. Marrakech est aussi une ville en mouvement où le respect du code de la route n’est qu’illusion. Les marocains toutefois s’en accommodent très bien, et sur l’ensemble de notre séjour, nous n’avons pas été témoins d’accident dû à cet état de fait.

 

La plupart des vélos et mobylettes, qui se faufilent dans la circulation en toute imprudence, me rappellent les deux roues de ma jeunesse. C’est un bond en arrière d’une trentaine d’année et des souvenirs agréables de cette époque me reviennent en mémoire. Pour les autres moyens de transport, on passe de la grosse berline de luxe, quand même assez rare, à la charrette branlante tirée par de petits ânes très en peine. Ces derniers déplacent des charges qui me paraissent disproportionnées à leur taille et à leur état physique.

 

Les piétons quant à eux occupent aussi bien les trottoirs que le macadam, avec une certaine nonchalance et insouciance, indifférents aux automobilistes que nous sommes. Leurs sourires chaleureux et bienveillants, accompagnés très souvent d’un geste de la main, font plaisir aux étrangers que nous sommes, sur cette terre Marocaine. La sortie sans accroc de Marrakech et de sa banlieue, fût j’en suis certain, un soulagement pour les six membres de notre expédition. Qui plus est, pour les deux plus courageux du groupe, qui tenaient un volant en main ce jour là.

 

 

Une caravane passe au loin dans le désert Marocain. Dromadaire (Camelus dromedarius).

 

La route que nous empruntons pour monter dans les montagnes du haut Atlas marocain est enneigée à cette période. Elle est étroite et très sinueuse. Nous nous y engageons de nuit et avec une grande prudence. Moment de réflexion et de petite frayeur, lorsqu’on a croisé une voiture accidentée par un camion (Grosse casse mécanique) à la sortie d’un virage ayant un angle des plus obtus. Malgré tout, bien décidés, nous montons toujours plus en altitude, atteignant les 2600 mètres, sur un bitume de moins en moins praticable, dû à une situation météo peu favorable et à la présence de verglas. Nouvelle frayeur quant devant notre véhicule de tête, un semi remorque des plus imposants glisse à reculons sur une patinoire de glace. Marche arrière enclenchée dans la précipitation et accident évité de justesse, pour nous, mais aussi pour notre deuxième véhicule qui nous suivait au pas.

Le reste de la nuit se termine sans autre incident et nous passons notre première nuit au Maroc dans un hôtel à Ta Jourathe, il est 22h00.

 

 

Dans les environs d’Aït-Benhaddou, une casbah à l’abandon et en arrière plan les hauts sommets du Haut Atlas Marocain.

 

Lundi 17 février 2003

 

Nous prenons notre premier petit déjeuner marocain local, avec thé à la menthe, c’est copieux et très appréciable.

 

Départ de Ta Jourathe, plein ouest et après moins d’une dizaine de kilomètres, premier arrêt sur une petite zone humide, sur la gauche de la route.

 

L’eau provient d’un ouvrage en béton, placé hors sol, et destiné à la transporter sur de très grandes distances pour l’irrigation des cultures. L’étanchéité de cette canalisation n’étant pas des plus parfaites, de l’eau s’en échappe par endroit en favorisant des zones humides de dimension modeste pour la plupart.

 

J’y découvre mon premier amphibien autochtone, Crapaud de Maurétanie ou Crapaud panthérin (Bufo mauritanicus) subadulte, baignant dans l’eau froide et malheureusement mort. Très loin, dans un ciel bleuté nous apercevons une dizaine de Vautours (Gyps sp), non identifiés, prenant des couloirs ascendants.

 

Nous passons ensuite de l’autre côté de la route pour rejoindre une piste qui nous mène sur des petites carrières de Gypse au milieu d’un désert aride et rocailleux. Les villageois les exploitent, pour vendre les plus beaux morceaux, aux touristes de passage.

 

A Aït-Benhaddou, nous passons l’après-midi dans un oasis entretenu et cultivé, bordé par un large oued parcouru par un cours d’eau temporaire, alimenté par les neiges sommitales de l’Atlas. Aidé, d’un jeune guide entreprenant nous visitons le village de ces ancêtres, une belle casbah à l’abandon qui surplombe l’oasis. Les oasis sont riches de vie diverse, nous y découvrirons tout au long du voyage, de nombreuses espèces d’oiseaux, de reptiles et d’amphibiens, de petits mammifères que nous n’identifierons pas toujours, des arthropodes aux couleurs et aux formes  diverses. Dans une eau limpide et au débit lent, nous découvrons sur un fond de faible profondeur une Emyde lépreuse (Mauremys leprosa) mâle adulte. Elle est délicatement sortie de l’eau, pour la photo. Il en sera fait de même, une centaine de mètres plus loin, pour une subadulte d’une dizaine de centimètre. Des Grenouilles vertes d’Afrique du Nord (Rana saharica), seront aperçues au bord de la rive et plongeront vivement dans l’élément liquide à chacune de nos approches. A l’intérieur de l’oasis, des Crapauds de Maurétanie ou Crapauds panthérin (Bufo mauritanicus) occupent des cachettes diverses le long des canaux d’irrigation. En milieu d’après-midi, dans un talus fait d’un conglomérat naturel, des Ecureuils de barbarie (Atlantoxerus getulus), sortent de leurs terriers et se déplacent tout autour. Semblant toujours en alerte, ils se dressent souvent sur leurs membres postérieurs, pour opter pour une position debout. Ils regagnent vivement leurs abris à chaque approche du groupe, mais en ressortent au bout d’un certain temps, pour peu qu’on ait un peu de patience pour les observer.

 

 

Crapauds de Maurétanie ou Crapauds panthérin (Bufo mauritanicus).

 

En milieu d’après-midi, nous partons en direction des Gorges du Dadès.

La nuit se passe dans un gîte d’étape ou traîne sur les murs extérieurs des Tarentes (Tarentola sp), que faute de ne pouvoir approcher de prés, nous ne parvenons pas à identifier.

 

Mardi 18 février 2003

 

Au petit matin, de la terrasse du gîte, armés de jumelle, nous identifions les oiseaux qui volent autour du village, fait de terre sèche et de matériaux nouveaux. Sur les pourtours du village, un mouvement géologique laisse apparaître d’imposants monticules de Granite rose.

 

En milieu de matinée, après avoir rangé nos affaires, nous partons pour les Gorges du Dadès, en parcourant une vallée encaissée et touristique. Petite halte dans un oued avec une jolie population de Grenouilles vertes d’Afrique du Nord (Rana saharica) et leurs têtards au premier stade.

 

En route, sur des kilomètres, nous passons le long d’un impressionnant paysage de conglomérats calcaire.

En altitude, sur une pierre affleurant au-dessus d’un torrent de montagne à débit rapide, une Rainette méridionale (Hyla meridionalis) s’ensoleille et une Grenouille verte d’Afrique du Nord (Rana saharica) chante.

 

Au niveau des Gorges du Todra, nous faisons demi-tour, en raison d’une route impraticable dû aux mauvaises conditions météo de la veille. Nous passons ensuite notre première nuit sous la tente.

 

 

Fouette queue (Uromastyx acanthinura nigriventris).

 

Mercredi 19 février 2003

 

Petit déjeuner pris dans un environnement magnifique en face de falaises, dites doigts de singe, et d’un oued cultivé. Un Aigle de Bonelli (Hieraaetus fasciatus) fait une brève apparition dans le lointain et interrompt, un instant, notre petit déjeuner.

 

Plus tard, nous voici au niveau d’une plaine alluviale et en face de nos premiers Dromadaires (Camelus dromedarius). C’est un petit troupeau d’une trentaine d’individus qui se laisse approcher. Nous pouvons caresser un jeune, que sa mère surveille tout de même de très prés. Plus loin, nous nous arrêtons sur la route qui longe le Jbel Sorgha. Nous commençons alors à réaliser que sous les pierres se cache une vie très discrète.

 

 

Acanthodactyle (Acanthodactylus sp).

 

 

Ptyodactyle d’Oudri (Ptyodactylus oudrii).

 

Arthropodes et reptiles s’y abritent et il suffit d’en soulever quelques unes pour le vérifier. Des Scorpions à queue jaune (Buthus occitanus sp), copie conforme de notre Scorpion Languedocien (Buthus occitanus), mais avec un venin plus puissant, de tous stades sont délogés pour la bonne cause.

 

Nous délogerons également plusieurs Sténodactyles de Petrie (Stenodactylus petrii) et Sténodactyles élégants (Stenodactylus sthenodactylus) un Acanthodactyle (Acanthodactylus sp) adulte et un Fouette queue (Uromastyx acanthinura nigriventris ) juvénile ayant 6 cm de longueur de la pointe de la tête à l’extrémité de la queue.

 

Un peu plus loin, en s’enfonçant dans cette plaine alluviale, un mouvement de terrain se dessine et notre regard est attiré par une entrée de mine. A l’intérieur d’une galerie abandonnée un Oreillard (Plecotus sp) s’y abrite. L’entrée de la mine est occupée par des Ptyodactyles d’Oudri (Ptyodactylus oudrii) qui ont parcheminé les parois de leurs nombreux excréments. A part le Fouette queue, qui a creusé un terrier sous la pierre qui lui sert de cachette, les autres reptiles trouvés au sol se réfugient simplement sous des pierres plates.

 

Arrêt sur la route vers Erfoud et nouvelle nuit passée à la belle étoile.

 

Jeudi 20 février 2003

 

Levé de soleil magnifique et petite promenade matinale passée à observer quelques oiseaux.

 

 

Agame de Bibron (Agama bibronii, Agama impalearis).

 

Arrêt au bord d’un oued entre Erfoud et Errachidia. Nous y découvrons deux espèces d’Agames. L’Agame de Bibron (Agama bibronii, Agama impalearis) qui vit sur les bords rocheux de l’oued et à l’intérieur de crevasse ou toujours à proximité. C’est un belle Agame d’une taille imposante. La deuxième espèce, l’Agame changeant (Trapelus mutabilis), se trouve elle sur le plateau rocailleux et sableux qui surplombe l’oued. C’est une espèce plus petite qui creuse des galeries au pied de petits arbustes en forme de touffe. Dans l’eau plusieurs Emyde lépreuse (Mauremys leprosa) nagent, d’autres prennent un bain de soleil, mais toutes fuient à notre approche. Nous apercevons, par chance, une subadulte qui trop occupée à fouiller la vase à la recherche de nourriture, se laisse observer de prés. Un anoure, que nous n’aurons pas le temps d’identifier, sera également aperçu.

 

 

Agame changeant (Trapelus mutabilis).

 

En début d’après-midi, à bord de nos deux véhicules, nous partons dans les environs d’Erfoud, à la recherche de nouvelles zones à prospecter.

Les paysages qui nous entourent, sont une alternance d’oueds et de dunes.

Au milieu de petites dunes, nous passerons la nuit sous la tente. Nous sommes retournés au bord de l’oued visité le matin, mais un peu plus en amont de celui ci.

 

Vendredi 21février 2003

 

A Erfoud boutiques de fossiles et de minéraux. Direction Merzouga.

 

Nous traversons une très vaste étendue plate et caillouteuse, en laissant derrière chaque véhicule, un large et long nuage de poussière de sédiment.

Dans le lointain, majestueuses, se dessinent les dunes de l’Erg Chebbi. Ce sont nos premières vraies dunes, de part leurs hauteurs et leurs superficies.

 

 

Erémias à gouttelettes (Mesalina guttulata guttulata).

 

De petits arthropodes se déplacent sur le sable en laissant une empreinte caractéristique à chaque espèce différente. Dans le creux des dunes, se forme par endroit des amas de végétaux. Ils sont adaptés à cet environnement hostile d’un premier abord. Ces végétaux servent de refuge contre certains prédateurs aux Erémias à gouttelettes (Mesalina guttulata guttulata). Ces derniers s’ensoleillent par moment et se déplacent avec une rapidité surprenante. Petit sprinters du désert, ils courent d’un refuge à un autre.

 

Nuit dans un camping à Zagora, douche très appréciée et petite lessive.

 

Samedi 22 février 2003

 

En direction du sud, après Zagora, nous faisons une halte matinale dans un oasis.

Des labyrinthes, fait de joli mur de terre sèche, parcourent une palmeraie. Ils délimitent aussi de nombreuses petites parcelles et la couleur jaune-ocre de ces ouvrages contraste avec le vert des différentes cultures de l’oasis. La relative fraîcheur de ces lieux attire de nombreux oiseaux qui volettent de-ci, de-là, à travers tout l’oasis. Ils trouvent aussi abris dans les Palmiers dattiers (Phoenix dactylifera), qui sont les végétaux dominants de cette palmeraie. Les cultures maraîchères, qui sont les cultures inférieures, sont composées de blés et de fèves. L’ensemble est irrigué par des canaux d’où s’écoule une eau fraîche et limpide. Les hommes répartissent l’eau selon les besoins des végétaux. Pour cela, ils confectionnent de petits barrages de terre qu’ils détruisent et reconstruisent sans fin.

 

 

Seps mionecton (Chalcides mionecton) dans les environs de Guelmin.

 

Arrêt au bord du Drâa, Emyde lépreuse (Mauremys leprosa).

 

Nuit au bord d’une piste entre Agdz et Tazenakht, petite prospection de nuit. Dans un paysage rocailleux et sableux, nous délogeons sous une pierre plate un Seps ocellé (Chalcides ocellatus) adulte.

 

Dimanche 23 février 2003

 

Acanthodactyle (Acanthodactylus sp) et Grenouille verte d’Afrique du nord (Rana saharica) vue au hasard d’une petite prospection matinale.

 

En début d’après-midi, nous faisons un arrêt à Tazenakht pour prendre notre premier tagine du voyage.

 

Un magnifique village troglodyte abandonné s’impose dans le lointain. Il coiffe de sa superbe, un mouvement de terrain en forme de dôme. Tout autour, dans la roche, ses anciens habitants y ont creusé de très nombreuses ouvertures s’ouvrant sur de grandes pièces. Ces ouvertures dominent l’ensemble du paysage avoisinant et le regard porte très loin. Nous les visitons, une par une, dans l’espoir d’y dénicher du Hibou grand duc (Bubo bubo), mais cela hélas sans le moindre résultat. Des Tarentes de Böhme ou Tarentes du Maroc (Tarentola boehmei) de belles tailles, trouvent dans cet environnement une multitude de cachettes.

 

 

Crapaud vert (Bufo viridis viridis).

 

Arrêt 30 Km avant Taroudant, nuit à la belle étoile, au bord d’un immense chant de courges et au milieu d’Arganiers (Argania spinosa). C’est un arbre endémique à tout le Sud-ouest marocain. L’arganeraie couvre 3 millions d’hectares et 2 millions d’habitants en dépendent. Hélas, le siècle qui vient de s’achever a vu la moitié de sa surface disparaître. Des Crapauds verts (Bufo viridis viridis) qui se trouvent dans une flaque d’eau au bord du champ de courge, se font entendre par leurs chants.

 

Lundi 24 février 2003

 

Petite prospection matinale au milieu d’une forêt d’Arganiers où des Saurodactyles de Brosset (Saurodactylus brosseti) s’y trouvent en grand nombre.

 

Arrêt Taroudant, visite des souks. En direction d’Agadir nous avons rendez-vous avec François et Pierre qui ferons un bout de chemin avec nous. En fin d’après-midi, nous visitons le Parc National de Sous Massa, qui est une réserve ornithologique, bordant sur quelques kilomètres, les plages de l’océan atlantique.

 

Camping sauvage avec le renfort de nos deux nouveaux compagnons. Nous plaçons nos tentes en retrait et en hauteur, à proximité d’une piste de sable qui accède à une plage de l’océan.

 

Au petit matin, nos toiles de tente sont recouvertes par l‘embrun, que les vents venues de l’atlantique, portent à l’intérieur des terres. Nous les mettons à sécher sur un étendoir de fortune avant de les ranger, une fois de plus, dans leurs housses respectives.

 

Mardi 25 février 2003

 

Dans le Parc National de Sous Massa, au bord d’une imposante masse buissonnante, nous faisons une remarquable découverte. Un Scinque adulte, l’Emécés d’Algérie (Emeces algeriensis algeriensis), récolte les chauds rayons du soleil, afin d’atteindre une température corporelle minimale à ces futures activités reptiliennes. C’est un reptile de belle taille et haut en couleur. Une pigmentation d’un rouge-orange flamboyant parsème ses flancs et son dos. A notre approche prudente, il se réfugie sous la végétation protectrice, mais cela sans trop de hâte, car il se sait inaccessible.

 

L’abri est sûr et difficilement pénétrable. Malgré tout, à nous huit, nous entourons sa forteresse végétale dans l’espoir de l’attraper, afin de mieux l’observer. Avec lui, nous allons ainsi jouer à cache cache pendant de longues minutes. Il restera toujours à porter de main, mais en restant insaisissable. Pour finir, il trouvera refuge et paix dans son terrier.

 

 

Emyde lépreuse (Mauremys leprosa).

 

Plus loin, posée à même le sol ou enterrée, une canalisation en béton longe la piste. L’ouvrage par endroit est interrompu sur plusieurs mètres laissant apparaître des orifices béants. Des Tarentes communes ou Gecko de Mauritanie (Tarentola mauritanica juliae), occupent ces entrées d’où s’échappe une multitude de papillons et d’insectes. En pénétrant à quatre pattes à l’intérieur d’un des orifices, nous découvrons une petite colonie de Chauves-souris, des Rhinolophes (Rhinolophus sp). Elles se sont enfoncées à plus de vingt mètres dans cet abri artificiel.

 

Arrêt à Tiznit pour manger un couscous, afin de reprendre des forces, en s’alimentant un peu plus qu’à l’habitude. Nuit sous la tente prés de Guelmin.

 

 

Couleuvre-diadème du Maghreb (Spalerosophis dolichospilus).

 

Mercredi 26 février 2003

 

Il a plu très tôt dans la nuit et le crépitement incessant des gouttes d’eau sur nos toiles de tente, annonce une journée peu favorable à la prospection. Depuis notre arrivée dans ce beau pays, nous n’avons toujours pas aperçu le moindre serpent, et certains, parmi le groupe sont de plus en plus désireux d’en observer, de plus ils savent la fin de notre périple proche. Avec un moral pointant vers le bas, sous la pluie et les pieds dans une boue argileuse et collante aux chaussures, nous plions et rangeons nos affaires. On verra plus tard pour faire sécher les tentes!

 

Notre petit déjeuner pris et le temps commençant à se mettre au beau, nous partons à nouveau pour quadriller le secteur. A huit et à trois véhicules, nous nous sentons plus efficaces. Dans un paysage steppique, fait de toutes petites dunes, des Orobanches (Orobanches sp) se dressent tout autour de nous, arborant une floraison d’un jaune éclatant.

 

Deux événements marqueront notre journée :

 

Le premier fut le survol de trois Hiboux des marais (Asio flammeus) au-dessus de nos têtes. Les bras tendus ont auraient pu s’imaginer caresser leur plumage. Nous les suivons de bonds en bonds. Nous calquons ainsi leurs déplacements sur une bonne distance pour finir par les perdre au moment ou ils traverseront un large oued. Le sol de l’oued est craquelé de toute part, et seules quelques rares dépressions retiennent encore un peu d’eau. Des têtards non identifiés, dont la fin est proche, grouillent dans l’élément liquide. Les surplombs de l’oued abritent eux, sous des pierres, des Crapauds verts (Bufo viridis viridis).

 

C’est en cherchant ces derniers que nous aurons notre deuxième surprise. Le premier et seul serpent vu, lors de notre séjour au Maroc, une Couleuvre-diadème du Maghreb (Spalerosophis dolichospilus). Un jeune reptile certainement né au printemps précédent et dans un mauvais état physique. Il a gardé une ancienne mue dont il n’a pas réussi à se débarrasser. Je l’en défais et le pose affaibli sur une pierre chauffée par les rayons du soleil. Nous lui tournons le dos, en espérant qu’il arrivera à se nourrir et reprendre ainsi un peu de vigueur.

 

Nous avons également vue sur ce site : Seps mionecton (Chalcides mionecton), Acanthodactyle (Acanthodactylus sp), Emyde lépreuse (Mauremys leprosa), Sténodactyle élégant (Stenodactylus sthenodactylus mauritanicus) et Saurodactyle de Brosset (Saurodactylus brosseti). Et un mammifère, le Rat de sable diurne (Psammomys Obesus).

 

 

Sténodactyle élégant (Stenodactylus sthenodactylus mauritanicus).

 

Arrêt camping sauvage.

 

Jeudi 27 février 2003

 

Arrêt café à Guelmin. Direction plage blanche.

 

Sur de très grandes surfaces, on aperçoit des cultures de Figuiers de Barbarie (Opuntia sp). Chaque parcelle cultivée est délimitée par des petits murets de pierre. Certains de ces murets sont récents. La pierre y est plus joliment colorée que celle mise en place depuis des décennies. C’est encore plus frappant sur les murets que l’homme restaure au fil du temps. Des pierres aux couleurs usées par les éléments naturels, succèdent à des pierres fraîchement sorties du sol dont la couleur n’est pas encore altérée.

 

Arrêt dans un oued à proximité du littoral atlantique.

 

Le lit de la rivière a creusé un large sillon dans la roche dure. De grandes dalles se dessinent çà et là sur un tapis rocheux. L’ensemble forme un petit canyon où l’eau s’écoule paisiblement. Sur les parois dressées verticalement et exposées au soleil, Des Tarentes de Böhme ou Tarentes du Maroc (Tarentola boehmei) s’ensoleillent. D’autres apparaissent dans les nombreuses fissures de la roche. Un Gecko casqué (Geckonia chazaliae) se laissera observer un court instant. C’est un Gecko massif qui n’est localisé que dans cette partie du Maroc. Nous avons eu la chance de pouvoir en approcher un.

 

Arrêt après Guelmin au bord d’un oued, Emyde lépreuse (Mauremys leprosa), Crapaud (Bufo sp), Crapaud de Maurétanie ou Crapaud panthérin (Bufo mauritanicus) et Grenouille verte d’Afrique du Nord (Rana saharica).

 

Dernier camping sauvage sur une piste après Fask.

 

 

Crapaud de Maurétanie ou Crapaud panthérin (Bufo mauritanicus).

 

Sortie de nuit pour une partie du groupe. Nous retournons sur l’oued visité l’après-midi. Un concert de chants nous accueille. Des Crapauds de Maurétanie ou Crapaud panthérin (Bufo mauritanicus) s’accouplent dans des vasques où sur les bords peu profonds de la rivière à courant lent. Des Grenouilles vertes d’Afrique du Nord (Rana saharica) se joignent à cette vie nocturne.

 

Sur la route du retour, en direction de nos tentes et des autres membres de l’équipe, nous nous arrêtons pour identifier une Petite gerbille du Sahara (Gerbillus gerbillus) adulte, écrasée sur le bitume.

 

Vendredi 28 février 2003

 

Nous profitons d’un nouvel arrêt à Guelmin pour prendre un dernier thé avec François et Pierre qui vont continuer leur séjour au Maroc sans nous. Le chemin du retour commence pour nous autres avec un dernier regard au Parc national de Sous Massa, pour y admirer encore ses splendeurs. Direction Agadir.

 

Samedi 1 mars 2003

 

Fin du voyage, direction Casablanca via Marrakech.

 

De ce grand et magnifique pays, une image entre autre marquera ma mémoire, c’est ces régions entières qui se sont transformées, en d’hallucinants parterres de pochettes plastiques. Je retiendrais aussi, la gentillesse d’un peuple souriant ayant le cœur sur la main, cette hospitalité naturelle reprise par un vieux dicton «Oh, toi qui passes le seuil de ma porte, tu es le maître et je deviens ton serviteur».

 

Je remercie mes sept compagnons de voyage qui m’ont permis de réaliser cette très belle aventure à travers un Maroc aux paysages grandioses et fabuleux.

 

 

Lexique :

 

Dayet : Dépression où l’eau est retenue lors de grande pluie.

 

Djebel ou Jbel : Reliefs autres que la hamada, quelle que soit leur altitude; il peut donc s’appliquer même à de modeste collines de quelques centaines de mètres de hauteur. Le paysage du djebel est, comme celui de la hamada, dominé par la roche nue dont le profil et les formes ont été puissamment sculptées par l’érosion. Les djebels, fournissent grâce à leurs éboulis rocheux de nombreux abris à une faune d'invertébrés et de petits vertébrés.

 

Erg : Massif de dunes d’une certaine étendue. Dans l'erg, la vie est généralement concentrée dans les parties basses des dunes et dans les zones argileuses des couloirs interdunaires. La végétation, dispersée mais permanente, des paysages dunaires, attire un certain nombre d'animaux, lesquels se distinguent par leur aptitude à se déplacer ou à s'enfouir dans le sable. Les serpents sont nombreux dans ces régions sableuses où la reptation permet de se mouvoir plus facilement que la marche.

 

Hamada : Plateau rocheux horizontal plus ou moins élevé cerné par des falaises bien marquées, qui lui donnent l’apparence d’une gigantesque table. C'est à partir de ces hamadas que s'élèvent les djebels.

 

Oasis : Lieu dans une région aride ou semi-aride, où la présence de l'eau permet la croissance permanente des végétaux.

 

Oued : Les oueds sont des ravinements où des lits de fleuves asséchés et ensablés. Ils entaillent les regs ou les hamadas et sont épisodiquement alimentés par des pluies, locales ou lointaines, qui peuvent les transformer en torrents. Mais l'eau peut également leur arriver depuis les djebels environnants. Un ruissellement violent résulte parfois des précipitations et des dépressions salées peuvent devenir des lacs temporaires. Il arrive alors que germent les millions de graines qui attendaient, depuis des années, les conditions favorables. Et l'on voit alors naître une végétation aussi éblouissante qu'éphémère. Les oueds sont des milieux riches en faune et en flore.

 

Reg endogène : Dissociation sur place du substrat rocheux.

 

Reg exogène : Transport par ruissellement, de matériaux rocheux arrachés aux hauts plateaux, et leur dépôt en plaine sur un lit de sable, d’argile et de bout.

 

Reg : Etendue plate, caillouteuse et graveleuse où se mêlent sable, limon et argile. Il y a des regs petits et isolés, sur le sommet des montagnes ou le dessus des plateaux, mais aussi des regs qui forment des étendues considérables. Sur le reg, la vie est concentrée dans les légères dépressions limoneuses où une certaine humidité permet le développement d'une végétation, quelquefois arbustive, dispersée en îlots. Les problèmes d'eau et la dureté du sol qui rend difficile son creusement font de cette zone un milieu de passage. Seules quelques buttes de sable et d'argile, apportées par le vent, servent de micro-habitat à toute une faune.

 

Livre de référence :

 

BONS J. & GENIEZ P., 1996.

Amphibiens et Reptiles du Maroc, (Sahara Occidental compris).

Atlas biogéographique, 319 p.

 

 

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